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Notre Dame de Kerdévot
à Ergué-Gabéric (29)
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Arrivant par une route sinueuse de campagne, on remarque la gracieuse
flèche de la chapelle de Kerdévot, entre les frontaisons. Derrière le
placître, abrité par deux chênes séculaires, l'enclos enserre la chapelle,
le calvaire et la sacristie. La fontaine se trouve à 300 mètres, à l'extrémité
du champ situé derrière l'édifice.
1 - La chapelle : Avec 13 m de hauteur et 30 m de long, les dimensions
de Kerdévot apparaissent quelque peu monumentales pour une simple 'chapelle
de campagne'. Le chevet est plat et percé d'une large baie axiale. Cette
formule, très souvent utilisée en Bretagne, est d'origine anglaise. De
style gothique flamboyant, la chapelle fut commencée par le choeur vers
1470 et inaugurée en 1556. Le choeur est donc contemporain de la dernière
étape de la construction de la cathédrale de Quimper et reçut l'influence
de ce chantier. Peut-être les maîtres d'oeuvre ont-ils travaillé sur les
deux chantiers en même temps. Le clocher, frappé par la foudre le 2 février
1701, fut reconstruit l'année suivante. Le maitre d'oeuvre respecta le
style gothique et ajouta des éléments de décoration classique (XVIIè siècle).
Il réussit avec une parfaite maîtrise le rapprochement de styles différents.
La sacristie, datée de 1705, introduit en milieu rural une forme savante
héritée des modèles de la Renaissance française : la toiture à l'impériale,
en forme de carène de navire renversée est notamment une belle réussite.
:Le plan de la chapelle dessine un simple rectangle, sans transept, comme
il est courant en Bretagne. La séparation entre le choeur et la nef est
soulignée par un puissant arc diaphragme, et autrefois par un jubé dont
il reste la poutre de gloire surmontée de la Crucifixion aujourd'hui visible
contre le mur nord. Les voûtes de la chapelle sont lambrissées. Libéré
du problème de la poussée des voûtes de pierre, on a pu hausser et ouvrir
largement les arches des travées. Deux statues de la Vierge accueillent
le visiteur à l'entrée : à gauche, la Vierge de Kerdévot, la maîtresse
des lieux, est assise sur un trône imposant.Cette vierge à l'enfant affirme
le triomphe de la maternité. Etant donnés le style et le décor Renaissance,
c'est peut-être une oeuvre de la fin du XVè siècle, importée d'Italie,
ou d'influence italienne. On possède peu d'informations sur cette statue
pourtant remarquable. A droite, une Vierge de la Victoire (fin XVIIè -
début XVIIIé s.) foule le Démon de son pied gauche et présente son enfant
de front. Rétables des bas-côtés : à droite, la Déploration, de style
hispanisant, daterait de la fin du XVè s. A gauche, un Baptême du Christ
a été volé en 1973. Il est remplacé par une Epiphanie, peut-être réalisée
par un artisan local vers la fin du XVIè s. L'encadrement est du XVIIIè
s. Le rétable flamand est sans conteste la pièce majeure du mobilier de
la chapelle. En chêne polychrome et doré, il raconte la vie de la Vierge.
Les scènes d'origine sont, en bas : la Nativité, la Dormition, les Funérailles,
en haut le Couronnement de la Vierge. Elles ont été réalisées vers 1500
dans les ateliers d'Anvers et de Malines. Le retable devait aussi comporter
des volets peints. Au XVIIè siècle, un artiste breton a sculpté l'Adoration
des Mages (en haut à droite) et la Présentation au Temple (en haut à gauche).
L'importance des échanges commerciaux par voie maritime à l'époque entre
la Bretagne et les Flandres, peut expliquer la présence de ce retable
à Kerdévot. Mais à quand remonte son arrivée et à quel généreux mécène
en doit-on la commande ? Nous n'avons aucune information à ce sujet. En
1973, plusieurs statuettes du retable ont été dérobées. Aujourd'hui, une
vitre blindée assure sa protection. Une statue de saint Thélo chevauchant
un cerf, près de l'entrée de la sacristie, peut dater de la fin du XVIè
ou du début du XVIIè siècle. La crucifixion, au nord, est une oeuvre difficile
à dater. Pourquoi cette chapelle de campagne présente-t-elle une telle
ampleur, une telle richesse ? La tradition orale veut que la chapelle
fût construite pour remercier la Vierge d'avoir arrêté, à la frontière
des deux paroisses, une terrible épidémie de peste qui ravageait Elliant
et menaçait Ergué-Gabéric. Depuis, chaque deuxième dimanche de septembre,
le pardon de Kerdévot commémore ce miracle. La '"Peste d'Elliant" a tellement
frappé l'imagination populaire que son histoire est arrivée jusqu'à nous
dans de multiples versions, dont celle recueillie par Théodore Hersart
de la Villemarqué dans son livre 'le Barzaz Breiz', publié en 1839. Mais
il faut aussi remarquer la grande abondance des armoiries et blasons (vitraux,
façades, poutres, sablières, haut des piliers) qui témoigne de la générosité
de la noblesse locale. A la fin du XVè siècle, cette classe sociale veut
témoigner de son ascension dans un contexte politique favorable qui est
celui du puissant Etat breton, créé par les ducs dans le courant du siècle.
Les ducs eux-mêmes favorisent ce mouvement de rénovation du paysage architectural
par une politique de mécénat. L'intérêt du pouvoir ducal pour la construction
de Kerdévot se remarque ainsi sur la façade (hermine passante, bannière
ducale) et sous le lambris (écu plein de Bretagne). Par ailleurs, sur
une poutre du choeur se lit l'insigne du Pape, la tiare, qui peut laisser
supposer que la chapelle de Kerdévot a bénéficié du système des indulgences.
La fabrique de Kerdévot était donc assez riche pour s'offrir une belle
construction et, par la suite, de belles pièces de mobilier pour en orner
l'intérieur.
2 - Le calvaire : Le calvaire monumental (XVIè siècle) comporte
douze niches, probablement destinées à recevoir les statues des apôtres.
Le calvaire de Kerdévot compte ainsi parmi les sept calvaires aux apôtres
du Finistère, bien que nous ne conservions aucun croquis ni témoignage
nous renseignant sur l'existence et l'aspect des statues. A noter certaines
particularités : - double scène pour le baptême du Christ - le Christ
debout dans la scène de la Nativité - les deux larrons avec leur croix
- deux anges recueillant le sang du Christ en croix. A l'inverse des autres
calvaires, il manque la Mise au Tombeau.

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